un film de Valérie Müller et Angelin Preljocaj.
Ayant brillamment servi la danse en tant que danseur et chorégraphe depuis bien des années, voici qu’Angelin Preljocaj ajoute à son arc la corde du cinéaste, tout en restant fidèle à l’univers qu’il connaît. Aidé de Valérie Müller, c’est une bande dessinée de Bastien Vivès consacrée au monde de la danse qu’il adapte aujourd’hui pour le grand écran, et tous deux le font avec un indéniable talent. Le film est passionnant de bout en bout et il l’est d’autant plus que le parcours qu’il raconte se modèle pour une grande part sur celui d’Angelin Preljocaj lui-même.
On le découvre dès le début du film, alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, Polina est issue d’un milieu très modeste. Ses parents (lui Géorgien, elle Sibérienne) cultivent pourtant l’ambition de voir leur fille non seulement intégrer la troupe du Bolchoï mais devenir une danseuse étoile. Son apprentissage de la danse, Polina le fait donc dans un cadre prestigieux mais très strict. Le professeur auquel elle a affaire est un homme qui ne craint pas de rudoyer ses jeunes élèves : l’art de la danse ne s’apprend pas en dilettante, il suppose à la fois de la maîtrise et de l’abandon.
Mais Polina, à présent devenue une jeune fille ( Anastasia Shevtsova), le pressent, elle ne réussira jamais à s’épanouir totalement en n’exerçant que de la danse classique (celle qui est enseignée au Bolchoï). Quitte à décevoir ses parents, elle choisit de quitter la célèbre institution de son pays, la Russie, pour s’exiler en France et y apprendre la danse contemporaine. La jeune fille y découvre certes d’autres façons de danser, plus épanouissantes pour elle, mais au prix de beaucoup d’épreuves, de « galères » de toutes sortes.
Sans jamais tomber dans le misérabilisme et en évitant tous les poncifs du film de danse, Angelin Preljocaj et Valérie Müller mettent en scène, avec beaucoup d’habileté la plupart du temps, le parcours chaotique d’une jeune fille passionnée par son art. Ce qu’apprend Polina au fil du temps et de ses expériences, c’est, comme l’indique le titre du film, à « danser sa vie », autrement dit, comme le lui demande une de ses enseignantes (jouée par Juliette Binoche), à éviter d’être « une jolie danseuse » pour être elle-même, Polina, en train de danser et d’exprimer par son corps sa vie, ses émotions, sa personnalité.
Nul doute que, comme je l’ai déjà indiqué, Angelin Preljocaj a mis beaucoup de lui-même dans ce personnage, lui qui, tout en restant imprégné de danse classique, met en scène des chorégraphies de danse contemporaine. Le film cependant fait surtout la part belle aux répétitions, à l’apprentissage de la danse, plus qu’aux chorégraphies elles-mêmes. Il faut attendre les scènes finales pour voir une longue et magnifique séquence de danse sur le superbe concerto pour violon de Philip Glass. C’est l’apothéose d’un film qui m’a constamment tenu en haleine.
NOTE: 8/10
Luc Schweitzer, sscc.