un film de Hirokazu Kore-Eda.
Après une parenthèse mineure (« Notre petite soeur » – 2015), Hirokazu Kore-Eda renoue avec ce qu’il avait déjà parfaitement réussi dans des films précédents comme « Tel père tel fils » (2013), le portrait de famille et les relations complexes qui en unissent ou en désunissent les membres.
Se rêvant écrivain depuis qu’il a fait éditer un roman à succès, Ryôta, incapable de poursuivre sur cette voie, a dû se résoudre à exercer un autre emploi, en l’occurrence celui de détective privé. Le voilà donc contraint d’espionner les faits et gestes d’autrui, activité peu honorable dont il se satisfait tout en rêvant de gagner une cagnotte grâce à sa passion pour le jeu (la loterie ou le pari sur des courses cyclistes). Avec son visage mal rasé, il ressemble à un vagabond, à un homme errant en quête d’une vie meilleure. De temps à autre néanmoins, il renoue avec son fils de 11 ans Shingo, ce qui lui donne aussi l’occasion de revoir son ex-femme à qui il n’arrive pas à verser les sommes qu’il doit.
Mais il est un autre personnage important dans ce film : celui de la mère de Ryôta et, par conséquent, grand-mère de Shingo.Une femme qui n’a pas sa langue dans sa poche et dont chaque parole semble nourrie de bon sens jusqu’à, parfois, prendre le risque de paraître sentencieuse. Un beau personnage que cette femme dénuée de résignation et dans l’appartement de qui se déroule une bonne partie du film. Son mari venant de décéder, les enfants, Ryôta et sa sœur, se disputent déjà son héritage. Chacun cherche à s’approprier les objets les plus précieux du défunt ou ce qu’il en reste, ce dernier en ayant déjà déposé en grand nombre dans un établissement de prêt.
Toujours est-il que c’est dans l’appartement de la grand-mère que se retrouvent les principaux protagonistes du film pour une séquence qu’on peut considérer comme en étant le point d’orgue. Elle se déroule durant une nuit de tempête, tandis que se déchaînent les vents violents d’un typhon. C’est à cette occasion, dans l’appartement mais aussi dans le refuge où s’abritent Ryôta, son fils et son ex-femme, après être sortis malgré le mauvais temps, que se dévoilent les intentions cachées, les secrets les plus enfouis. Les cœurs, pendant un moment, sont comme mis à nu.
Malheureusement il est quelque chose qui détruit tout, qui fausse les relations et dévoie les personnages (sauf la grand-mère). Ce quelque chose, c’est l’argent, omniprésent tout au long du film au point qu’il pourrait en être le titre (comme il le fut pour le dernier film de Robert Bresson en 1983). L’Argent, qu’on peut écrire avec un grand A, on pourrait presque écrire Mammon comme dans la Bible : une divinité maléfique qui corrompt les esprits et les cœurs. Et le plus affligeant, c’est que même Shingo, le garçon de 11 ans, en est déjà une sorte d’adorateur, au point qu’il voit partout des billets de loterie potentiellement gagnants, même là où il n’y en a pas ! Semblable à son père, il rêve de l’opulence qui pourrait advenir un jour plutôt que de profiter du temps présent.
NOTE: 8/10
Luc Schweitzer, ss.cc.