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LE DERNIER VICE-ROI DES INDES

un film de Gurinder Chadha.

 

Après 300 ans de suprématie anglaise, l’heure est enfin venue pour l’Inde d’accéder à l’indépendance. Nous sommes en mars 1947 à Delhi à l’heure où le palais du vice-roi s’apprête à accueillir avec faste Lord Moundbatten et sa famille. Nommé dernier vice-roi des Indes, celui-ci est chargé de préparer cette transition et d’en négocier les conditions afin que, si possible, tout se déroule sans violence. Malheureusement, dans un pays aussi complexe que l’Inde, la tâche s’avère rapidement très ardue. Des conflits interreligieux ne tardent pas à éclater, des exactions sont commises ici et là, des émeutes se propagent. Il faut négocier âprement avec Nehru, Gandhi et Jinnah, le leader des musulmans. On le sait, malgré la volonté de Gandhi d’en sauvegarder l’unité, l’Inde ne se libèrera pas de la présence anglaise sans se diviser en créant un nouvel état, le Pakistan. Mais quelles dimensions lui donner ? Où le situer ? Sur quels territoires ? Comment en tracer les frontières ? Lord Moundbatten et ses conseillers ne sont pas au bout de leurs peines….

Cette grande fresque historique, la réalisatrice, s’appuyant sur le prodigieux savoir-faire des productions de la BBC, l’a parfaitement reconstituée, dirigée et filmée. Tout est rigoureusement agencé et l’on ne peut qu’être impressionné par les images projetées sur l’écran. Il y a néanmoins un gros risque à éviter quand on fait un film de ce genre : c’est celui de la reconstitution si précise qu’elle paraît empesée, affectée, sans âme. Or ce piège, la cinéaste le contourne assez habilement en accordant une part importante du scénario non seulement à Lord Moundbatten (très bien interprété par Hugh Bonneville, un acteur que tous ceux qui ont vu et apprécié la série télévisée « Downtown Abbey » auront un grand plaisir à retrouver), mais aussi à son épouse Edwina (Gillian Anderson), une femme dont le regard empli d’humanité et de compassion enrichit grandement le film et suscite l’empathie.

Et puis, dans cette grande histoire de tractations politiques qui entraînent les déplacements de millions de personnes d’un territoire à un autre, il y a l’histoire de deux individus, de deux des serviteurs du palais du vice-roi, un jeune homme hindou et une jeune femme musulmane : Jeet et Aalia. Ils s’aiment, mais ont-ils la possibilité de concrétiser leur amour par un mariage et une vie commune ? Le père de la jeune femme a beau avoir séjourné en prison au point d’en avoir perdu la vue mais aussi d’y avoir reçu les secours de Jeet, non seulement il ne lui vient pas à l’esprit que ce dernier puisse épouser sa fille, mais il a déjà élu un autre prétendant. L’histoire d’amour contrariée à laquelle nous confronte le film peut paraître très peu originale, elle n’en est pas moins touchante et apporte ce qu’il faut en termes d’émotion à ce qui risquerait, sans cela, de n’être qu’une intimidante et froide reconstitution de l’Histoire avec un grand H. Tel qu’il est, ce film, au contraire, paraît assez équilibré et suscite tout du long un intérêt qui ne faiblit pas.

NOTE:  8/10

Luc Schweitzer, ss.cc.