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LA LOI DU MARCHÉ

Un film de Stéphane Brizé.

Impressionnant Vincent Lindon sur qui repose la quasi totalité de ce film implacable et qui trouve là un de ses plus grands rôles. Dans « La loi du marché », il y a deux temps. L’un durant lequel Thierry (le personnage joué par Vincent Lindon), chômeur de longue durée, s’efforce de trouver un emploi. L’autre où, ayant été embauché comme vigile dans un grand magasin, il se trouve confronté à des méthodes qui mettent sa conscience à rude épreuve.
Stéphane Brizé, le réalisateur, ne s’embarrasse pas de fioritures: son film va droit à l’essentiel, il est brut, aussi brut que ce qu’il montre et dénonce. Il se concentre beaucoup, dans la première partie, sur la recherche d’emploi de Thierry, mais sans ignorer les à-côtés, la vie de famille, les quelques moments de détente qu’il parvient à s’accorder en compagnie de sa femme (une leçon de danse, par exemple). Mais ce n’est que pour faire mieux ressortir les humiliations subies par Thierry, tout au combat qu’il mène pour retrouver un emploi, garder son appartement, payer ses factures, avoir la tête haute (pour reprendre le titre du récent film d’Emmanuelle Bercot). Comment rester digne quand un potentiel employeur, sur Skype, critique vertement la rédaction de son C.V. ou, pire encore, quand il est rabaissé plus bas que terre par d’autres chômeurs lors d’une séance de discussion de groupe? Comment contrôler ses nerfs quand, essayant de vendre son mobile-home, il est forcé de marchander à n’en plus finir pour quelques centaines d’euros?
Sans transition, Stéphane Brizé aborde la deuxième partie de son film, celle où Thierry a enfin trouvé un emploi de vigile en grand magasin. On se prend dès lors à respirer et à espérer, d’autant plus que tout commence avec le sourire: on fête le départ à la retraite d’une employée et le gérant y va de son gentil discours de remerciement! Mais il vaut vite déchanter: la loi du marché ne s’encombre pas de sentiments! C’est un sale boulot que celui de vigile car il faut non seulement surveiller les clients, repérer les voleurs et les arrêter, mais il faut aussi avoir l’oeil sur les employés eux-mêmes! Compression du personnel oblige, la moindre faute sera sanctionnée de la manière la plus sévère et le gentil gérant aura vite fait de se métamorphoser en despote sans pitié! Pris dans cet engrenage, que peut faire Thierry? Subir, accepter le pire, se taire, voire collaborer?…Et quand une employée licenciée pour un motif futile en vient à la pire des résolutions?
Oui, c’est un film plein d’âpreté et de rudesse que nous propose là Stéphane Brizé. Mais n’est-ce pas aussi, malheureusement, le reflet trop fidèle de notre monde, d’un monde qui ne sait plus ce que miséricorde et générosité veulent dire?

                                                                                                       P. Luc Schweitzer, sscc

                                                                 Note: 8/10