un film de François Delisle.
Tout commence par une séquence difficile à mettre en scène, mais que, fort heureusement, le réalisateur a réussi en la tournant de manière simple et dépouillée. Aucun artifice de mise en scène, mais la réalité la plus nue : un homme, un prisonnier, face à un enquêteur à qui il avoue le crime sordide dont il s’est rendu coupable dix ans plus tôt.
Cela fait précisément dix ans qu’Irène (Fanny Mallette) reste sans nouvelles de son fils Hugo, disparu à l’âge de huit ans. Christophe (Sébastien Ricard), le père de l’enfant, a préféré se séparer d’elle et fuir lâchement. Il habite désormais au Mexique. Irène reste seule au Québec, non loin de sa mère qu’elle supporte difficilement. Elle essaie de tromper sa douleur en participant à un groupe de chant, mais c’est en vain. Elle le dit en voix off, « on croit que la souffrance s’estompe avec le temps, mais c’est faux. C’est même le contraire. Hugo est là, toujours là, et même s’il faut donner le change et ne pas pleurer devant les autres, la souffrance non seulement ne cesse pas mais elle grandit. »
Les aveux du prisonnier, coupable de crime pédophile, ayant permis aux enquêteurs de retrouver ce qu’il reste du corps de l’enfant, signent aussi les retrouvailles des parents. Revenu du Mexique, Christophe accompagne Irène dans ses démarches, y compris les plus pénibles : auprès des pompes funèbres, mais aussi à la morgue où leur sont dévoilés les restes de l’enfant et même devant un écran , les deux parents ayant exigé de voir et d’entendre les aveux enregistrés de l’assassin.
Ce sujet, celui de la mort d’un enfant et de ce qu’on appelle le travail de deuil des parents, est probablement l’un des sujets les plus risqués quand on fait du cinéma. Si Nanni Moretti, dans « La Chambre du Fils » (2001) avait réussi à le traiter d’une manière bouleversante mais en évitant tout pathos, d’autres, comme Felix Van Groeningen dans le désastreux « Alabama Monroe » (2012), s’y sont cassé les reins, faisant peser sur les spectateurs une sorte de chantage aux sentiments des plus repoussantes.
« Chorus » n’évite pas totalement les maladresses et les lourdeurs, ce n’est pas un film de la qualité de celui de Nanni Moretti. Cependant, si l’on tient compte du fait que, dans le film de François Delisle, il est non seulement question du décès d’un enfant mais de son odieux assassinat, on peut dire que le réalisateur ne s’en tire pas trop mal. La scène des parents regardant sur écran la confession du tueur de leur fils ainsi qu’une autre scène confrontant les parents aux horreurs perpétrés en Syrie et diffusés à la télé (comme s’il fallait graduer les atrocités) m’ont semblé maladroites. Mais beaucoup d’autres scènes sont filmées avec intelligence et justesse, comme celle des parents qui, à la fin du film, font la rencontre d’un des camarades d’école d’Hugo. Impossible de ne pas être bouleversé par le regard d’une mère qui, en voyant ce jeune homme de dix-huit ans, voit l’image de ce que serait son fils s’il vivait encore.
On peut mettre également au crédit de ce film la photographie en noir et blanc tout à fait superbe, les magnifiques scènes de chant choral et, surtout, le jeu très nuancé et très juste de Fanny Mallette qui interprète le rôle ô combien délicat d’Irène.
NOTE: 7,5/10
Luc Schweitzer, sscc.