Un film de Roberto De Paolis.
« Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ». Parmi les jeunes gens qui fréquentent assidûment leur paroisse d’un des quartiers de Rome ou de sa périphérie, il en est qui arborent fièrement cette béatitude imprimée sur leur t-shirt comme un slogan. Le prêtre chargé de leur catéchèse ne manque d’ailleurs pas de leur expliquer que cette pureté du cœur n’est pas sans lien avec la pureté du corps. Autrement dit, pas de rapports sexuels avant le mariage !
En vérité, fort heureusement, ce prêtre, qui réapparaît plus tard au cours du film, commentant l’épisode de la femme adultère, se révèle capable de tenir un discours de bienveillance et de miséricorde et non pas uniquement de fermeté. Et c’est l’un des points forts de ce film que de mettre en scène des personnages bien plus complexes que ce que pourrait faire craindre la simple lecture du synopsis. Il en est ainsi d’Agnese, l’une des jeunes filles membres de cette paroisse, par ailleurs l’un des deux personnages principaux du long-métrage. Sa volonté de rester intacte jusqu’au mariage, elle la tient davantage de sa mère que du prêtre. Ou, en tout cas, c’est par le canal de sa mère, une femme possessive, autoritaire, voire brutale, que se transmet à elle l’obsession de la pureté.
Pourtant l’on sait, dès la première scène du film, que, bien qu’elle apparaisse ensuite fervente pratiquante comme sa mère, Agnese peut aussi s’adonner à des actes faibles, voire indignes. Sa rencontre avec Stefano, un garçon un peu plus âgé qu’elle, elle la doit précisément à cela. Lui, on devine aussitôt qu’il a déjà dû pratiquer plus d’un délit, tout en essayant de se racheter en vivant d’un travail stable. Mais lui aussi, comme Agnese, il n’est pas possible de l’enfermer dans un seul mot ou une seule catégorie: on le devine capable de dureté et on le découvre capable d’indulgence.
Il est vrai que sa relation avec Agnese, quand elle se concrétise, ne tarde pas à tourner à la romance. Dans le cadre du travail, c’est autre chose : car le voilà gardien d’un parking séparé d’un camp de gitans par un simple grillage. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les rapports avec ces derniers sont tendus. Or, semblable à Agnese qui a affaire à une mère autoritaire, Stefano doit tenir compte d’un chef qui n’a pas l’intention de lui faire de cadeaux.
On peut affirmer, me semble-t-il, que le principal sujet du film est la peur de l’autre, la peur de l’étranger qui risque d’enfreindre un interdit et de pénétrer un espace vierge : peur d’Agnese qui, bien que séduite par Stefano, ne veut pas perdre son hymen au risque d’encourir la colère de sa mère ; peur de Stefano qui, bien qu’ayant vu avec stupéfaction Agnese et sa mère venir en aide aux gitans au nom de leur charité chrétienne, ne veut pas laisser ces derniers pénétrer sur le parking au risque de s’attirer les foudres de son chef et de perdre son emploi. Mais qu’advient-il précisément lorsque les barrières sont franchies et les territoires vierges pénétrés ? C’est ce que l’on découvre dans ce film tourné au plus près des personnages et servi par des acteurs d’un naturel stupéfiant.
NOTE: 8/10
Luc Schweitzer, ss.cc.