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LA LA LAND

un film de Damien Chazelle.

Dans quel pays se trouve-t-on quand on est en La La Land ? L’expression (typiquement américaine) désigne à la fois un lieu bien précis, une ville très exactement, Los Angeles (qu’on se contente généralement de nommer par son acronyme L. A.), et plus précisément encore Hollywood, et ce qu’on y fabrique. Quoi donc ? Eh bien, l’expression « usine à rêves » qu’on emploie parfois pour nommer les studios hollywoodiens le dit clairement : on y fabrique du rêve. Être en La La Land, par conséquent, c’est se trouver au pays des rêves, c’est-à-dire dans un environnement plus ou moins déconnecté du monde réel.

Le troisième film de Damien Chazelle (après « Whiplash » – 2014, qui ne m’avait pas du tout convaincu!) a donc pour ambition de rendre hommage au genre cinématographique qui s’accorde le mieux avec l’onirisme, c’est-à-dire la comédie musicale, genre qu’Hollywood a porté jusqu’à d’extraordinaires sommets pendant son âge d’or. Il est clair, pour qui possède un minimum de culture cinématographique (et, plus encore, pour tous ceux qui – comme moi-même – raffolent des films musicaux), que la plupart des scènes chantées et/ou dansées de « La La Land » ont été directement inspirées à Damien Chazelle par des scènes de films aussi prestigieux que « Chantons sous la pluie » (1952) ou « Un Américain à Paris » (1951) et d’autres films encore. Sur le net a d’ailleurs circulé un montage mettant en parallèle des extraits de « La La Land » et les extraits des films musicaux hollywoodiens qui leur ont servi de modèles.

Si l’on ne se focalisait que sur ce petit jeu des comparaisons, on serait en droit de n’accorder au film de Damien Chazelle qu’un timide satisfecit. Hormis la scène d’ouverture de « La La Land », qui méritera d’être montrée dans les anthologies, et peut-être la scène quasi finale (qui s’inspire clairement d’ »Un Américain à Paris »), rien, dans le film de Damien Chazelle, n’atteint le niveau d’excellence des grandes comédies musicales des années 40 et 50. Le gros défaut de « La La Land », il faut bien le dire, ce sont ses deux acteurs principaux : Ryan Gosling et Emma Stone. Ni l’un ni l’autre ne sont en mesure de rivaliser avec leurs illustres aînés : le premier fait bien pâle figure si on le compare à Fred Astaire ou Gene Kelly, la seconde paraît bien pâlotte en regard d’une Ginger Rogers ou d’une Judy Garland.

Pourtant, malgré ce défaut et bien que je sois un fervent admirateur des acteurs et actrices que je viens de nommer, le film de Damien Chazelle m’a plutôt séduit : le réalisateur a su pallier les manques de ses deux acteurs principaux (qui, sans être ridicules bien sûr, ne sont ni l’un ni l’autre, des virtuoses du chant ni de la danse) par un sens aigu de la mise en scène et par de séduisants choix musicaux. Les décors m’ont paru judicieusement sélectionnés et, surtout, j’ai été impressionné, à plus d’une reprise, par d’impressionnants mouvements de caméra. Tout cela donne au film, dans ses épisodes musicaux, un rythme et une apparence des plus plaisants.

Enfin, ce qui augmente grandement l’intérêt que suscite « La La Land », c’est qu’il déborde de beaucoup le cadre de la simple comédie musicale. On n’a pas affaire (pas uniquement en tout cas) à un film hommage qui sentirait la naphtaline. En racontant l’histoire de Sébastien (Ryan Gosling), un pianiste de jazz, et de Mia (Emma Stone), une serveuse de bar qui caresse l’espoir de devenir actrice, Damien Chazelle veut faire se confronter deux mondes : celui du rêve dont j’ai déjà parlé et celui des dures réalités de l’existence. Les deux se heurtent sans vraiment se rencontrer. Pour aller du côté du rêve, il faut, par exemple, trouver refuge dans un observatoire astronomique et s’échapper vers les étoiles. Mais il faut bien aussi, tôt ou tard, retomber sur terre, retrouver les réalités de la vie quotidienne et déchanter. Dans le monde du rêve, la romance peut unir sans fin Mia et Sébastien, mais en est-il de même dans la vie réelle ? Rien n’est moins sûr.

Le plus souvent applaudi et acclamé, « La La Land » a néanmoins été également accueilli ça et là par des critiques des plus sévères. Je le comprends et j’ai moi-même souligné les limites du film. Cependant, à mes yeux, ce sont les qualités qui l’emportent sur les défauts, qualités de mise en scène, de choix des décors, de choix musicaux et d’inventivité du scénario, et c’est pourquoi je lui accorde volontiers un 

NOTE:  8,5/10

Luc Schweitzer, sscc.