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LA TÊTE HAUTE

Un film d’Emmanuelle Bercot.

Enfin du changement en ce qui concerne le film d’ouverture du festival de Cannes! Depuis des années, incompréhensiblement, on offrait en pâture aux festivaliers un film à grand spectacle et d’un intérêt quasi nul! Mais, cette année, avec « La tête haute », pas de doute, on a affaire à du cinéma de qualité.

C’est, le plus souvent, la tête basse cependant et, parfois même, encombrée d’une casquette ou d’une capuche, qu’apparaît Malony (Rod Paradot, révélation de ce film). Quand il comparaît pour la première fois devant la juge des enfants (Catherine Deneuve, grandiose dans sa retenue), il a six ans! C’est le début d’un long parcours de délinquance et d’une succession de rendez-vous dans le bureau de la juge. Adolescent, il vole des voitures et, dès qu’il est contrarié, se livre à des violences compulsives que sa mère (Sara Forestier) est bien incapable de contrôler.

Sa vie de délinquance semble toute tracée et comme inscrite dans ses gênes ou résultant, en tout cas, d’une absence de père (décédé) et de l’évidente fragilité psychologique de la mère. Comment ne pas baisser les bras? Qui peut espérer en un avenir meilleur pour ce garçon? Rien ne lui sera épargné, de fait, ni le placement en institution spécialisée, ni le centre éducatif fermé, ni même la prison ! Impossible pour la juge de le soustraire à toutes ces sanctions.

Mais, si sanctions il y a, ce n’est jamais de manière gratuite : chaque fois que tombe un verdict se met en place aussi, autant que faire se peut, un dispositif d’aide et une recherche de solutions adaptées pour que l’adolescent puisse enfin, s’il est possible, échapper à la fatalité de la délinquance. Le meilleur de ce film nous fait voir ou entrevoir les relations compliquées qui se font et se défont entre Malony et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, tentent de le tirer de son enfermement dans la violence.

Trois personnes ne baissent pas les bras, trois personnes entreprennent tout ce qu’elles peuvent pour « sauver » Malony. D’abord la juge qui, lors d’une superbe scène, lui tend littéralement la main, la juge à qui le garçon, reconnaissant, fera le cadeau d’un caillou ! Ensuite son éducateur (Benoît Magimel) dont on apprend, au fil du récit, qu’il n’est pas sans failles ni blessures, mais qui, cependant, trouve la force et de se relever et de ne jamais abandonner l’adolescent. Enfin la fille d’une de ses éducatrices avec qui Malony apprend non seulement à faire l’amour mais à se laisser aimer. Lui qui ne respire que violence découvre, stupéfait, la douceur d’aimer et d’être aimé !

Nonobstant toutes les nombreuses qualités de ce film, il faut aussi lui reconnaître deux points faibles. D’abord le jeu outrancier et caricatural de Sara Forestier : elle surjoue son rôle de mère incapable d’élever ses enfants et le rend peu convaincant. Ensuite la fin délibérément optimiste du film : on ne peut évidemment que souhaiter une issue heureuse à un garçon délinquant mais, à l’écran, cela paraît artificiel et peu crédible !

Reste néanmoins, malgré ces petits défauts, un film remarquable, pas loin d’atteindre le niveau des meilleurs films « sociaux », ceux d’un Ken Loach par exemple.

P. Luc Schweitzer, sscc

Note: 8/10