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LA VILLA

un film de Robert Guédiguian

Retrouver, une fois de plus, la famille d’acteurs que Robert Guédiguian a déjà mis en scène dans quantité de films, cela donne le sentiment de renouer avec des amis. Et comme, de plus, le film qui les réunit à nouveau est une œuvre qui mérite tous les applaudissements, que demander de mieux ? Voici donc les fidèles de Guédiguian rassemblés pour former, à l’écran, une fratrie : Angèle (Ariane Ascaride), Joseph (Jean-Pierre Darroussin) et Armand (Gérard Meylan), tous trois au chevet de leur père qui, alors qu’il s’était abandonné au plaisir du tabac, a été terrassé par un AVC. Rentré dans sa villa de bord de mer, il ne peut plus ni parler ni se déplacer et se trouve donc dépendant de ses enfants. Armand n’a pas eu grand chemin à faire : c’est lui qui tient le petit restaurant que lui a légué le père et qu’il gère selon les principes qui lui ont été transmis (bien manger pour pas cher !). Joseph, en homme désabusé qui vient d’être licencié de l’entreprise qui l’employait, est arrivé dans la villa accompagné de Bérangère (Anaïs Demoustier), sa maîtresse beaucoup plus jeune que lui. Quant à Angèle, qui fait carrière en tant qu’actrice renommée, elle reconnaît n’être venue à la villa que contrainte par les circonstances.

Exceptée Bérangère, tous ces personnages expriment soit de la nostalgie, soit des regrets, soit des souffrances enfouies. Tout a changé dans ce coin de littoral : les maisons ont été vendues les unes après les autres à des riches propriétaires qui n’y résident qu’occasionnellement. Comment ne pas regretter l’époque pas si lointaine où ça grouillait de monde et où l’on partageait les joies et les peines les uns des autres, où, par exemple, l’on ne décorait qu’un seul sapin de Noël pour tout le monde ? Et comment ne pas pleurer lorsque reviennent des souvenirs de drame et, en particulier, celui qui a causé la mort de la fille, encore toute jeune, d’Angèle ? Les retrouvailles autour du père malade sont l’occasion de dire ce qui était resté caché, de mettre des mots sur des douleurs toujours à vif.

Certes, une grande part de ce film est marquée par le passé, mais on n’a pas affaire pour autant à une œuvre uniformément mélancolique. Les mots durs laissent place à d’autres sentiments, surtout quand on se tourne vers les quelques voisins qui s’accrochent encore à ce recoin de littoral : un couple âgé et démuni, trop fier pour accepter l’aide de leur fils médecin et dont le sort émeut jusqu’aux entrailles ; ou ce pêcheur joué par Robinson Stevenin, énamouré jusqu’à être drôle, n’en revenant pas de voir Angèle, dont il est follement amoureux depuis qu’il l’a vue sur scène, et avec qui il se plaît à réciter du Claudel !

Et puis il y a, chez tous ces personnages, malgré leurs fragilités, un point commun que Robert Guédiguian fait poindre habilement tout au long du film avant de l’exposer de manière explicite : une qualité que l’on ne peut désigner que par un seul mot, et tant pis s’il paraît un peu désuet, la bonté. Cette qualité mise en avant lorsqu’apparaissent quelques-uns de ceux que cherchent, tout au long du film, des militaires, c’est-à-dire des migrants échoués par là avec leur embarcation. « Ils peuvent être dangereux », avait même affirmé l’un des soldats, au grand étonnement de Bérangère. Ceux que l’on finit par découvrir n’ont rien de redoutable assurément : ce sont des enfants ! Et c’est à leur contact que chacun des personnages du film laisse jaillir ce qu’il a de meilleur.

Avec ce film beau et émouvant, c’est sûr, Robert Guédiguian a signé l’une de ses meilleures œuvres, du même acabit que « Marius et Jeannette » (1997), « Les Neiges du Kilimandjaro » (2011) et quelques autres titres encore.

NOTE:  9/10

Luc Schweitzer,  ss.cc.