un film de Marie-Castille Mention-Schaar.
C’est une fiction qu’a réalisée Marie-Castille Mention-Schaar mais une fiction tellement ancrée dans le réel qu’elle ressemble à un documentaire. Nul doute que la réalisatrice a pris soin de beaucoup s’informer car ce qu’elle nous montre est à la fois bouleversant et criant de vérité. Le film nous confronte à une des réalités de notre actualité, celle des jeunes gens, ou plus précisément en l’occurrence des jeunes filles qui se laissent séduire par l’islamisme radical au point de s’y trouver prises comme dans un étau. En s’appuyant sur les parcours croisés de deux jeunes filles, la réalisatrice met en scène de manière quasi analytique les processus qui conduisent aux extrémismes.
Sonia (Noémie Merlant), 17 ans, s’est déjà engagée si loin sur cette voie, elle a déjà été si bien embrigadée et formatée qu’elle a failli se rendre en Syrie et commettre l’irréparable, croyant ainsi offrir à ses parents une place au « paradis ». Anéantis, ces derniers tentent de sortir leur fille de ce piège. Ce que le film montre, c’est le lent et difficile processus de déradicalisation de la jeune fille. C’est d’autant plus compliqué que, comme elle finit par l’affirmer, elle n’était plus elle-même. L’embrigadement djihadiste est si insidieux qu’il fait penser à une possession. La victime ne s’appartient plus, elle ne pense, ne vit, ne respire que pour accréditer les thèses de l’islamisme radical. Pour ce qui concerne Sonia, il faut beaucoup de temps, de patience, de discussions, de conflits pour trouver une issue à cette emprise.
Quant à Mélanie (Naomi Amarger), 16 ans, qui pourrait imaginer qu’une adolescente comme elle puisse devenir la proie d’un islamiste radical ? Elle semble mener la vie la plus tranquille qui soit, une vie sans histoires, à la maison avec sa mère ou son violoncelle, au collège avec ses copines. Néanmoins le piège se referme sur elle du fait d’une relation qu’elle noue sur internet et qui bouleverse et son existence et celle de ses proches. Celui avec qui elle discute sur internet a tôt fait de se présenter à elle sous l’apparence d’un « prince », la manipulant habilement de telle sorte qu’elle devient rapidement dépendante, au point de ne plus oser faire quoi que ce soit sans son accord. Insidieusement, le « prince » en vient à lui donner des ordres et, bientôt, comme Sonia, elle rêve de tout quitter pour rejoindre la Syrie.
Fort bien conçu, réalisé et monté de manière judicieuse, ce film concilie habilement son ambition pédagogique et préventive et l’émotion forte qu’il transmet. Il vient à point nommé comme une mise en garde qui s’adresse à la fois à des jeunes gens, probablement fragiles et idéalistes, qui pourraient être des proies pour les recruteurs du djihad et aux parents qui, dans bien des cas, ne découvrent la terrible réalité que lorsqu’il est trop tard. Cela étant dit, je le répète, ce film est aussi une œuvre bouleversante, l ‘émotion qu’il suscite étant due en grande partie aux impressionnantes prestations de ses deux jeunes actrices (Noémie Merlant et Naomi Amarger). On ne peut voir leurs parcours sans être remué aux entrailles.
NOTE: 8/10
Luc Schweitzer, sscc.