aucun commentaire pour l'instant

LE RIRE DE MA MÈRE

un film de Colombe Savignac et Pascal Ralite.

 

« Les enfants nous regardent ». Le titre de ce film de Vittorio De Sica, de 1944, était présent dans mon esprit tandis que je découvrais cette oeuvre mêlant subtilement gravité et légèreté sous les yeux d’un jeune garçon prénommé Adrien (Igor Van Dessel). Les enfants regardent et perçoivent bien davantage que ce qu’on veut leur dire. Dans les deux films, on a affaire à un enfant dont les parents sont séparés, mais la comparaison s’arrête là. Le vrai ressort dramatique du « Rire De Ma Mère » ne se trouve pas tant dans la mésentente des parents d’Adrien, mésentente d’ailleurs très relative, ni dans le fait que le père (Pascal Demolon) ait une nouvelle compagne, Gabrielle (Sabrina Seyvecou), mais dans une réalité plus insidieuse et, en l’occurrence, fatale qui s’appelle cancer.

Marie (Suzanne Clément), la mère d’Adrien, s’affirme, dès la première scène du film, comme une femme de caractère qui n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Elle manifeste un désir de vivre sans compter, quitte à brûler sa vie par les deux bouts, tout en prenant soin de cacher à Adrien la vérité, c’est-à-dire le cancer, le mal qui la ronge et la détruit. Mais le jeune garçon de 11 ans n’est pas dupe ; son regard a perçu autre chose que ce qu’on veut lui montrer et il a compris qu’il se passe quelque chose de grave. Il l’a si bien compris et il en est si perturbé qu’il devient de plus en plus introverti et imprévisible dans ses réactions. Son travail scolaire s’en ressent.

Faire un film sur un sujet aussi cruel que celui de la maladie et de la mort d’une mère est risqué. Pourtant les deux cinéastes qui en signent la réalisation ont parfaitement réussi à éviter de la rendre pesante. Au contraire, malgré son sujet et ne serait-ce qu’à cause du caractère entier de la mère, le film est plein de vitalité, sans cependant éluder aucune des tensions dramatiques qu’on est en droit d’attendre. Tous les personnages sont criants de vérité. D’une certaine façon, la maladie de Marie est l’occasion d’un rapprochement de tous les protagonistes. Et c’est aussi l’occasion d’une recherche de vérité. Le psychologue consulté a beau jeu de dire au père d’Adrien qu’il faut préparer l’enfant à l’inéluctable, mais comment trouver les mots et les phrases qui conviennent ? Il y a de quoi être déboussolé.

Bien des remarques seraient à faire sur les subtilités du scénario. Je me contente de n’en relever qu’une seule. C’est une excellente idée, m’a-t-il semblé, que d’avoir ponctué le film avec la préparation et la représentation de « L’Oiseau bleu », la pièce féerique et symboliste de Maurice Maeterlinck (1908).  Adrien s’étant inscrit à un cours de théâtre, c’est en effet cette pièce qui est proposée et répétée, pièce qui raconte la recherche par deux enfants d’un oiseau fabuleux censé guérir une petite fille de sa maladie. Y a-t-il aussi un « oiseau bleu » dans la vie réelle ? Et que peut-il accomplir si on le trouve ? Guérir la mère d’Adrien ? Ou plutôt aider à surmonter les peurs ? N’est-ce pas là le meilleur des cadeaux pour délivrer le jeune garçon de ses blocages ?

NOTE:  8/10

Luc Schweitzer,  ss.cc.