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LES NUITS BLANCHES DU FACTEUR

Un film d’Andréi Konchalovski.

Voulez-vous voir un film dépaysant autant que somptueux? Ce long-métrage d’Andréi Konchalovski, à mi chemin entre fiction et documentaire, devrait parfaitement convenir.
Pas d’acteurs dans cette oeuvre, mais les habitants d’un coin perdu du nord de la Russie, au bord du lac Kenozero, filmés au naturel. A commencer par Liocha, le facteur, obligé de traverser le lac immense pour porter aux habitants des villages non seulement leur courrier mais leur maigre pension et les objets du quotidien qu’ils ont réclamés. Entre le facteur et les villageois se sont nouées des relations de grande complicité. Liocha n’est pas un fonctionnaire mais, bien davantage, un confident, voire un ami. Lui qui a réussi à en finir avec la vodka depuis deux ans (et qui se promet d’en terminer un jour avec le tabac) n’émet aucun jugement chaque fois qu’il a affaire à un des habitants, ivrogne invétéré, mais il l’accompagne, il l’aide, il le soutient. Il y a chez Liocha quelque chose de l’ordre de la compassion.
Bien sûr, le facteur n’est pas un saint, il laisse apparaître quelques failles, mais c’est un homme simple qui sait se mettre au service d’autrui. C’est peut-être avec un jeune garçon, son neveu, que la complicité est la plus grande. Il l’emmène volontiers avec lui, partout où il va, pour lui dévoiler des endroits secrets, mystérieux et terrifiants hantés par la sorcière Kikimora ou pour une escapade en ville avec à la clé la dégustation d’une glace.
Pourquoi donc cet homme simple et plutôt droit souffre-t-il néanmoins d’insomnies et est-il visité par un étrange chat gris que lui seul a le privilège de voir? Le film ne donne pas de réponse, mais lorgne habilement du côté du fantastique, lors de quelques scènes suggérant que peut-être la vie de Liocha n’a pas été toujours aussi limpide que les eaux du lac qu’il sillonne sur son bateau.
Quant à ce coin de Russie, il n’est peut-être pas aussi perdu qu’il semblait. En tout cas, l’on découvre au cours du film qu’il avoisine une base militaire, ce qui donne lieu, au cours d’une des scènes finales, au spectacle le plus ahurissant qui soit: deux mondes se côtoient, l’un qui n’est fait que de pauvreté et de rusticité, l’autre où l’on dépense une fortune pour mener à bien un projet militaire.
Quoi qu’il en soit, Andréi Konchalovski a réalisé un film superbe, multipliant les prises de vue les plus belles et nous offrant quantité de plans somptueux sur le lac, la nature, mais aussi les villages et les villageois. Une oeuvre fascinante et émouvante qui nous fait admirer et sentir la Russie éternelle!

NOTE:  8/10

Luc Schweitzer, sscc