Un livre de Irene Vallejo.
Ami(e)s lecteurs/lectrices, voici un ouvrage dont je parie qu’il vous ravira ! Que votre passion pour les livres soit compulsive ou plus modérée, si elle est réelle, il ne fait pas de doute que l’ouvrage d’Irene Vallejo vous est destiné. Car l’autrice y raconte, avec un bonheur d’écriture qui ne peut que susciter l’enthousiasme, l’origine de cet objet que vous tenez si volontiers entre vos mains et dont vous tournez les pages sans vous soucier d’où il vient, comment il a commencé, quelle est son histoire : le livre.
Eh bien, dorénavant, si vous vous décidez toutefois à lire l’ouvrage d’Irene Vallejo, vous saurez tout ou presque sur les commencements du livre, sur son développement, sur sa pérennité, même aujourd’hui, à l’heure des tablettes et autres liseuses informatiques. Irene Vallejo en est convaincue, et je le suis volontiers avec elle, le livre, qui a traversé les siècles, est une invention si géniale qu’elle n’est pas près de disparaître, n’en déplaise aux pseudo prophètes qui la voient décliner et mourir dans un avenir plus ou moins proche.
Dans son ouvrage très érudit mais jamais pesant ni le moins du monde ennuyeux, car elle manie l’art de raconter à la perfection, Irene Vallejo narre l’aventure de l’invention du livre, en commençant bien en amont, dans la plus haute antiquité, quand , vers 3300 avant J.-C., fut créé, dans la région de Sumer, le premier alphabet. Vinrent ensuite, après les inscriptions lapidaires, les premiers supports de l’écriture, les tablettes d’argile, peu maniables, et les parchemins, en particulier les papyrus d’Egypte, qui se conservaient longtemps quand le climat était sec mais se détruisaient rapidement quand il était humide. Irene Vallejo s’attarde longuement sur la fameuse bibliothèque d’Alexandrie, sur sa conception, son fonctionnement, son histoire, mais se plaît aussi à montrer comment, petit à petit et de plus en plus, les manuscrits (qu’il fallait recopier à la main) ont essaimé et comment les bibliothèques se sont multipliées, déjà à l’époque hellénistique, et bien davantage encore à l’époque romaine.
Qui, le premier, eut l’idée de relier des parchemins pour en faire un codex, ce qui donna plus tard le livre, bien plus facile à consulter que les longs parchemins qu’il fallait dérouler ? On ne le saura jamais. Toujours est-il que cette invention-là était destinée à traverser les siècles sans se démoder. Irene Vallejo, précisément, et c’est l’un des éléments qui contribuent à l’agrément qu’il suscite, truffe son ouvrage, orienté vers l’Antiquité, de multiples renvois à des faits ou des événements de l’histoire plus contemporaine, voire tout à fait contemporaine. Elle se glisse même elle-même volontiers dans son texte, confiant, par exemple, avec amusement, comment, quand elle voyage dans les transports en commun, elle s’efforce toujours, quitte à se tortiller dans tous les sens, de savoir ce que lisent les éventuels lecteurs/lectrices qui sont proches d’elle (je me suis reconnu dans ce travers-là, je dois le dire). En tout cas, s’il est question d’Alexandre le Grand, d’Homère, de plusieurs Ptolémée, de Socrate, de Platon, d’Aristote, de Sappho, de Plutarque, de Cicéron, de Martial, de Tite-Live, etc. dans ce livre que Mario Vargas Llosa a qualifié de chef d’œuvre, on y croise aussi, non sans plaisir, les noms de Goethe, Jorge Luis Borges, James Joyce, Ray Bradbury, George Orwell, Marcel Proust, pour n’en citer que quelques-uns. Les abondantes références et comparaisons avec l’histoire récente, voire avec l’actualité, que s’autorise l’autrice, m’ont paru, généralement, tout à fait judicieuses. Et, comme je l’ai dit, elle sont l’une des composantes qui réactivent, de manière heureuse, l’intérêt du lecteur. Avec Irene Vallejo, impossible de trouver le temps long !
Ce génial ouvrage d’Irene Vallejo a reçu, en Espagne, le Prix National de l’Essai en 2020, un prix plus que mérité !
9/10
Luc Schweitzer, ss.cc.