un film de Stephan Streker.
Dès la première scène de ce film, le ton est donné et l’on sait aussitôt que l’on est en présence d’une actrice d’exception (dont c’est pourtant le premier grand rôle au cinéma). Nous sommes en Belgique et la jeune fille que l’on voit à l’écran se prénomme Zahira (Lina El Arabi). Sa famille est d’origine pakistanaise. Tout ce que l’on apprend sur elle, dans cette première scène, c’est qu’elle est enceinte et qu’il est question d’un éventuel avortement. La gynécologue avec qui elle s’entretient (et qui n’est jamais filmée) l’oriente manifestement vers ce choix en essayant de le banaliser. Mais l’on découvre aussi, à cette occasion, qu’on a affaire à une jeune fille volontaire qui ne s’en laisse pas conter si facilement. « Est-ce que vous-même, vous avez déjà vécu la situation qui est la mienne ? », demande-t-elle avec insistance à son interlocutrice.
Il faut en effet que Zahira fasse preuve de beaucoup de détermination, étant donné le poids des coutumes et des traditions auxquelles les membres de sa famille restent très attachés. Il y a son père, sa mère, son frère et ses deux sœurs (dont l’une, l’aînée, a déjà été mariée à quelqu’un qu’elle n’a pas choisi). Pour ses parents, non seulement Zahira doit avorter, mais elle doit se plier sans tarder au rite du mariage traditionnel. On veut bien lui laisser le choix entre trois garçons, tous trois habitant au Pakistan, et avec qui elle ne peut s’entretenir que par le biais de Skype sur son écran d’ordinateur. L’un d’eux parle français et lui semble un peu plus cordial que les deux autres, mais de là à se marier avec lui ! Zahira se trouve comme écartelée entre ses désirs d’indépendance et son attachement réel et profond à sa famille. Son frère fait office de confident, mais pour lui non plus ce n’est pas facile. Peut-il prendre totalement le parti de sa sœur, alors qu’il est témoin des souffrances et des déchirements des parents ? Car, pour eux, il est inconcevable de déroger ausx traditions ; le faire, ce serait se couper de toute relation au Pakistan, être montré du doigt et ne plus pouvoir y mettre les pieds.
Il n’y a manifestement aucune caricature dans ce film. Personne n’est mauvais, personne ne veut le malheur de l’autre. Les parents de Zahira sont persuadés d’agir pour son bien. Pour eux, il n’existe d’autre façon d’agir que celle qu’ils ont toujours pratiquée. Quant à la jeune fille, tout en se révoltant contre l’idée même d’un mariage arrangé, elle ne souhaite d’aucune manière nuire à sa famille. Avec grand talent et beaucoup de subtilité, le réalisateur met en scène tous ces tiraillements. Et ils sont encore accrus lorsque, petit à petit, Zahira tombe réellement sous le charme d’un garçon, mais un garçon de son entourage, qui n’a pas été choisi par ses parents et qui n’a rien d’un Pakistanais !
Ajoutons, pour finir, que ce film n’a pas seulement pour thème le choc des cultures, mais que c’est aussi une ode à l’amitié. Car il y a un personnage dont je n’ai encore rien dit et dont pourtant le rôle n’est pas minuscule : c’est celui d’Aurore (Alice de Lencquesaing), l’amie fidèle de Zahira, celle qui répond toujours présente et qui ne rechigne jamais à lui venir en aide. Un beau personnage, de même que celui que joue Olivier Gourmet, l’ami qui essaie, autant qu’il le peut, d’apaiser toutes les tensions.
NOTE: 8/10
Luc Schweitzer, sscc.